La VRAIE vie !

La vraie vie? Et si on en parlait. J’ai pensé à ça il y a peu de temps. Quand j’étais au restaurant avec une amie que je n’avais pas vu depuis des lustres et des lustres ! J’étais tellement contente de la retrouver que j’avais mis mon téléphone en mode avion, rangé précieusement dans mon petit sac. Ca n’avait pas d’importance parce que j’avais l’envie irrépressible de rattraper le temps perdu et de lui raconter mes joies, mes peines, mes envies, mes projets. Et j’attendais évidemment qu’elle fasse de même de son côté.

Sauf que parfois, la vie nous réserve des surprises. Du genre : « je te le dis pas parce que ça se fait pas mais mon téléphone me tient meilleure compagnie » … je suis pas sûre que c’est ce qu’elle pensait, non, mais par contre, c’est ce qu’elle m’a fait ressentir. 4 h de soirée, 4 h où elle a passé son temps à tout prendre en photo, chaque verre consommé, chaque plat qui arrivait à table, chacun de mes gestes, chacun des siens en mode « chéri je sais que je suis pas à la maison mais regarde je suis avec Vivi ça fait tellement longtemps qu’on s’est pas vus » (et c’est d’ailleurs pour ça que je passe toute la soirée sur mon téléphone? »)

Au début, mon caractère de caca et moi même voulions nous énerver très fort, et limite, on a songé à se barrer en la laissant planter là, histoire qu’elle se remette en question. Mais 1/ ça se fait pas, et j’ai encore un peu de respect oh oui. 2/ j’ai décidé de prendre sur moi, et de garder mon self control acquis grâce à mes séances de yoga.

Purée, c’était sûrement les heures les plus longues de ma vie; tu savais qu’il y avait des gens passionnés par les sachets de thé de telle sorte qu’ils les prennent en vidéo snapchat dans leurs moindres recoins????

En rentrant chez moi, j’étais rincée, j’avais qu’une envie : me blottir dans les bras de mon mec, pleurer et lui dire que j’aurais mieux fais de rester avec mon amoureux, avec du thé, justement. Enfin, j’exagère, mais c’est le genre de moment où tu te remets grave en question. Est ce que j’ai été si ennuyeuse que ça ? Ou alors c’était ça la vie qui nous attendait désormais? Des gens qui profitent de la présence des autres pour tout filmer, tout photographier, même des trucs dont tout le monde se fout.

Purée, la prise de conscience quoi. On vaut pas mieux que ça? Mieux qu’une photo instagram retouchée, mieux que 400 secondes de snapchat où on parle face caméras des cadeaux de marques qu’on a reçu, ou des super events où on a été invité pour montrer aux autres ce qu’ils n’ont pas, ou n’auront peut être jamais. Ou de notre vie tout simplement;  mais une vie qui ne regarde que nous finalement?

On vaut pas mieux qu’un pseudo Twitter ou Facebook où on fait croire que tout va bien alors que bah, non, comme tout le monde y’a des jours où on a envie de tout exploser. Ordinateur, téléphone, et tout envoyer valser pour vivre à 9000 km d’ici, ou plus, ou moins, mais loin de notre routine.

On vaut pas mieux que toute cette superficialité, qui cache au fond tellement de choses. Ce besoin de reconnaissance, ce besoin de vouloir montrer que toi t’as plus de fringues dans ton placard que l’autre, ce besoin de montrer que tu fais plus de restos avec ton mec parce que tu gagnes ta vie, ou que tu pars plus en vacances. N’est ce pas un véritable problème sociétal et complètement actuel?

On a peur de dire au monde que non, ça ne va pas bien, et l’autre a peur de nous dire que ça va pas, car il veut pas qu’on s’imagine que son mec ou sa meuf ne le/la rend pas vraiment heureuse. Mais on croit quoi? On croit que c’est ça la vraie vie?

Non la vraie vie c’est le bonheur d’être simple, d’être heureux dans notre mode de vie, notre cocon qui nous convient très bien finalement, et qui n’a a plaire à personne d’autre. Mais la vraie vie c’est AUSSI (et surtout) être malheureux, avoir mal, pleurer, être déçu, désillusionné par des projets qui sont parfois des échecs, à cause de pas assez d’argent, pas assez de temps, pas assez de pleins de choses. Parce que ça fait aussi parti de la vie, la vraie, et que c’est comme ça et que c’est même bien mieux comme ça. Pourquoi? Parce qu’on se forge et que ça nous permet d’évoluer. Et oui !

Ca m’a fait prendre conscience des choses négatives du numérique, des nouvelles technologies, et surtout, de notre rapport avec eux. Je trouve ça flippant de finalement, devoir toujours montrer aux autres ce que nous faisons à un moment T, où nous sommes, avec qui, comment, pour faire quoi exactement.

Et surtout parce que là, je me suis pris en plein fouet un comportement que je n’aurais pas accepté faire vivre à quelqu’un. Franchement les gars, vous vous imaginez être avec une personne que vous dites aimer, et vous passez la soirée collée à votre téléphone, à écrire à votre mec, prendre des photos, sans daigner vous regardez plus de 30 secondes dans les yeux, et sans vraiment vous demander comment ça va. Enfin, si, on me l’a demandé, mais refroidie j’ai plus eu envie d’en parler mais genre DU TOUT DU TOUT.

Je ne sais pas si j’aurais du en parler, habituellement, j’aurais été du genre à lui dire que j’avais passé une soirée pourrie, mais j’ai même pas pu tellement j’étais deçue. Parce que je me suis souvenue de certaines années plus tôt où je travaillais jusquà parfois 2 heures du mat à mon job étudiant, ou je la rejoignais chez elle et on mangeait des burgers bien fat devant des Disney, ou alors on allait en boite boire un verre, danser et rire, et on sortait pas une fois notre téléphone parce que ça n’avait strictement AUCUNE importance.

8h00 : ouverture de snapchat, je mets ma tête bien maquillée en story avec la bouche en coeur
8h30 : je prends mon petit déjeuner aux graines et au yaourt au soja et je le photographie pour Snapchat mais surtout Instagram
9h00 : je suis au bureau et j’ai embarqué avec moi mon smoothie green (alors que je trouve ça dégueulasse) et j’en profite pour faire une autre photo Instagram
10h00 : je prends un mini encas car je tiendrais pas jusqu’à midi, là encore, Instagram (et Snapchat, et page Facebook, et aussi Twitter, ne JAMAIS abandonner ses reseaux sociaux)
12h00: c’est parti pour la pause repas entre collègues, gênée, je leur demande de ne pas toucher leur repas tant que la photo n’est pas faites
13h00 : quelle belle pause repas, nous sortons, il y a du soleil et je le prends en photo pour tous les réseaux, montrons au monde entier que chez moi il fait beau, et tant pis pour ceux qui vivent au Pôle Nord.
16h00 : le goûter c’est sacré, je sors dehors prendre une photo à la lumière, au bureau on y voit pas assez, et poster une photo MOCHE jamais ;)
18h00 : une bonne séance de sport avec le body guide bidule machin truc, et je prends mes baskets en photo, ou une mini vidéo de ma séance, au choix.
19h00 : c’est l’heure de l’apéro végé; que des carottes et des concombres, exit le saucisson moi j’mange pas de trucs gras

ETC ETC. C’est ça une journée ???? C’est ça la vraie vie??? VOTRE vraie vie?

Voilà, le sentiment dans lequel je me trouve actuellement. Cette gêne d’afficher mes photos, qui font pourtant parties de mon quotidien, le vrai, celui ou je me plains de mon boulot, du fait d’être malade, de mes clients pas toujours cools, de pleins d’autres trucs cools, et parfois beaucoup moins parce que je préfère parler du vrai.

Mais je ressens aussi la gêne du partage des autres, qui parfois en disent trop, en montrent trop. Et cette gêne s’accompagne de la peur. Oui, au vu de la société dans laquelle on vit, c’est malheureux, mais je n’oserais pas me montrer en maillot de bain bien trop sexy, parce que j’aurais peur des réflexions, et des répercussions sur moi et sur les gens que j’aime. Et je sais c’est triste, mais voir tout ça des autres me gêne car j’estime que chacun devrait se protéger du monde extérieur, et des réseaux sociaux qui prennent cette si grande place.

Je ne pense pas que ce soit le cas de tout le monde, ou que le but de tout le monde soit de montrer que le positif de soi, de sa vie, mais parfois je trouve ça gênant par rapport à d’autres gens, ça peut paraître presque comme une forme d’égoïsme …

Mais moi, je sais pas si je serais capable d’être comme toutes celles et ceux qui publient 2000 secondes snapchat par jour dans l’espoir qu’on vienne les envier, ou alors qui, font croire sous des légendes de photos que leur vie est plus belle que celle d’un autre, parce qu’elle elle a la chance que tu n’as pas. Je pense que lorsque je pose mon téléphone, c’est le meilleur moment. Quand je prends pas tout en photo, je m’arrêterais pas de vivre, je le vis même PLUTÔT bien, je n’achète pas non plus de followers, parce qu’en avoir que 2400 sur Instagram c’est la grosse loose, et si le but d’une vie c’était de réussir ta vie et tes projets plutôt que d’augmenter ton nombre de likes, de vues, de visites???

Et tu sais quoi, je crois que j’me sens plus heureuse sans tout ça. Et que quand j’mets des photos c’est juste parce que je trouve ça joli. Et que personne n’a a envié personne, peu importe la vie qu’il mène. Personne n’a à juger non plus. Et je pense que beaucoup devraient songer à la digitale detox que je m’accorde parfois, en étant ici de temps en temps, parfois pas, avant je me forcais à être régulière partout, même quand j’en avais pas envie. Et bien non, je ne suis plus le calendrier de publication, je poste quand j’ai envie, ce que je veux, même si je dois perdre un like facebook ou plus, et je changerais ça pour rien au monde je crois.