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Nouvel Obs

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20 minutes

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News vice

Aussi loin que je m’en souvienne, depuis mon plus jeune âge, dès que j’ai su tenir un crayon ou un stylo donc, je prenais toujours plaisir à dessiner. Et essayer d’écrire mon prénom aussi, de toutes les couleurs de l’arc en ciel. J’adorais l’effet que des dessins, colorés ou en noir et blanc, beaux ou moins beaux, pouvaient provoquer chez les gens. Et quand j’ai grandi, même si je ne suis pas douée, même si je ne suis pas un Charb ou un Cabu, j’aimais le faire; car je faisais ressentir des émotions. J’avais droit à tout type de réaction, du « c’est magnifique » pour faire plaisir, au « c’est beau » très sincère, au « c’est moche » contrôlé pour ne pas blesser. Mais j’ai tout de suite aimé ça. J’ai très vite compris, en grandissant, que l’art c’était ça. Bouleverser, faire peur, émouvoir, faire rire, passer des messages. Exprimer à travers des coups de crayons ce qu’on a dans les tripes et qui n’arrive pas à sortir avec les mots. Pendant que mes camarades trouvaient les cours de dessin inutiles, moi j’aimais me perdre dans un monde imaginaire qui me faisait oublier le monde dans lequel je vivais. Au collège, j’étais renfermée, reservée, parfois folle mais je réagissais toujours différemment en fonction des gens avec qui j’étais, car j’avais peur du jugement. Mais ma prof de dessin me disait toujours que le dessin m’aiderait sûrement à me sentir mieux dans ma peau. Et que même si je ne serais jamais ce Charlie, ce n’était pas ça qui comptait, c’était que ça me fasse du bien.

Puis, en grandissant, en m’affirmant (peut être trop), j’ai mis des mots sur des douleurs, j’ai écris, des heures et des heures jusqu’à en faire des nuits blanches, je m’achetais toujours des tas de carnets, que je remplissais en 2 semaines tellement j’avais de choses à dire. Le monde me faisait peur. Je voyais souvent ma mère pleurer à cause de ce qu’elle lisait, entendait, regardait aux informations. Elle n’est pas du genre à prendre du recul par rapport aux médias, elle est brute de décofrage et elle prend l’information comme telle. Elle lisait les bouquins de médecine dès que mes grands parents avaient des symptomes. Je pense qu’elle m’a refilé sa peur des choses, mais pas son pessimisme, heureusement. J’écrivais tellement que j’avais attrapé des ampoules à chaque doigt. Je souffrais mais j’aimais ça. Mon esprit se sentait de plus en plus libre, et libéré. Et ça tombait bien, je vivais (vis) dans LE pays de la liberté d’expression, je me disais que j’avais de la chance car ce n’était pas le cas de tout le monde. J’allais parfois très loin dans mes mots, en même temps, les mots d’une adolescente sont toujours un peu durs, alors la satire moi, elle ne me blessait pas, j’avais la distance pour la comprendre, et savoir que c’était un message qui voulait dire « on veut la paix, on veut tous s’aimer, se faire des câlins et oublier que parfois rien ne va mais ça ira quand même ». C’est sûr, nous ne sommes pas dans le monde des bisounours, tout n’est pas rose, tout le monde n’est pas gentil même si j’ai parfois je me force à y croire.

Malgré ce que me montraient les médias, j’étais optimiste. Je croyais en la vie, en la poursuite de ces rêves, j’étais ce petit caméléon qui ne savait toujours pas ce qu’elle voulait faire de sa vie, à part écrire, rire, danser, aimer, dessiner. Vivre. Sans se poser de questions. Je suis toujours comme ça aujourd’hui. Je touche à tout, je respire fort, parle fort, aime fort, déteste fort, lit fort, écrit des mots forts, et dessine, mal, mais fort. Pour faire passer des messages, peu importe lesquels. Et je ne suis pas encore morte pour ça.

Je passe par plusieurs stades en une rapidité monstre, de la joie à la tristesse, de l’amour à la haine, mais je n’arrivais pas le dire. Je préférais l’écrire, c’est toujours plus simple. C’était (c’est) ma liberté à moi. Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas, je crois que c’est ça qui me rend détestable et touchante à la fois. Ce sont des personnages comme ça qui font vivre la société. Et tous ces Charlie qu’on a tué faisaient vivre la société et ses valeurs. La liberté, entre autres. Ils la maintenaient en vie. Ils étaient la liberté. Leurs dessins étaient des dessins magiques, représentatifs de ce qui les maintenaient en vie, qui les faisaient vivre, et qui leur faisaient oublier la société. Et qui nous la faisaient oublier un instant, par l’humour et la satire.

On a pas tué que des hommes qui faisaient des dessins merveilleux, remplis de messages, de douceur, parfois, de tendresse, de douleur, de force, de rage et de pensées profondes. On a tué la valeur fondamentale de la France. Enfin, non, on a essayé. Car je sais que moi, ce genre d’évenements me mettent en colère et me donneront envie de parler toujours plus fort, de crier quand je suis énervée, encore plus fort, d’écrire des mots encore plus forts, d’user d’humour noir encore et encore car je pense que l’on peut rire de tout. Je dessinerais toujours plus quand je n’aurais pas le moral. Aussi. J’irais à toutes les manifestations et rassemblements qu’il faut pour que cela change. Même si je ne reconnais plus mon pays, le pays dans lequel je suis née et dans lequel je vis. Je serais toujours contre les extrêmes. Tuer pour triompher, tuer pour détruire, violenter pour se soulager. J’ai toujours eu les mots pour me défendre, les mots pour essayer d’oublier les choses qui faisaient mal, ils avaient les dessins, et ce n’était pas un crime.

Je ne suis pas qu’une fille qui parle mode et beauté je suis autre chose. Ils n’étaient pas que des dessinateurs artistes qui gribouillaient ce qui les gênait ou leur faisait mal, ils étaient des hommes, des pères, des maris. Ne vous arrêtez plus aux apparences, ça tue.

 Edit du 12/01/2015 : Je me suis rendue à la marche ce dimanche 11 janvier 2015, en hommage à l’attentat contre Charlie Hebdo, en hommage aux victimes, les forces de l’ordre, les citoyens innocents qui venaient juste faire leurs courses, aux dessinateurs artistes au grand coeur . Je voulais en parler et donc faire un edit à l’article, car j’ai eu le temps de me poser pendant ces quelques jours, de réflechir en marchant en silence, d’observer, de lire les réactions diverses des gens. Et je trouvais ça important. Quitte à ce que mon article fasse 5000 mots.

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@Clairoushkah, ma beauté <3

* Lors de la marche, qui a duré longtemps, dans ce froid glacial, bien qu’ensoleillé, j’ai réfléchi. Réflechi si j’avais eu raison d’y aller. Si je n’aurais pas du boycotter. Pour X raisons. Et en fait, je me suis sentie bien. Triste et heureuse à la fois. Je voyais tous ces gens autour de moi. Des noirs, des blancs, des jaunes, des musulmans, des tristes, des heureux, des jeunes, des moins jeunes, des handicapés, des homosexuels, des hétérosexuels, mais nous ne formions qu’un. Réunis ensemble pour la même cause. Le même drame. La même envie : se battre pour notre démocratie et ses valeurs de paix, d’amour, et de LIBERTE.

* J’ai parcouru les réseaux sociaux pendant 4 jours, la boule au ventre. J’étais au boulot sans y être. De 7 heures à 18 heures, pensant rattraper mon retard pour cause de congès des fêtes, mais je n’ai pas pu. Je lisais chaque seconde un tweet annoncant un mort, une nouvelle triste, de nouvelles situations. Je regardais les émissions spéciales, les informations. Et j’étais bouche bée face à tant d’horreur. Moi, 25 ans, grande gueule optimiste sur le monde, étant tellement heureuse d’avoir le droit de tenir un blog, d’écrire des articles sur internet, en disant ce qu’elle pense, que ce soit bon ou mauvais, sans que l’on ait à me redire quelque chose puisque c’est mon droit. Et mon droit le plus cher je crois. Bien au delà de tous les autres.

* Toujours en parcourant les réseaux, j’ai observé d’autres choses. Vos comportements d’internautes face aux évenements. Vos réactions à chaud. Et si j’ai été surprise dans le bon sens d’un côté, par tant de vague de soutien, d’amour, de solidarité, d’envie de mettre sa pierre à l’édifice avec des articles jolis, si bien écrits, si tristes en même temps, j’ai été déçue dans le mauvais pour d’autres. J’ai observé des personnes se tirer dans les pattes. A quel propos? Et bien, certaines blogueuses n’ont pas arrêté de publier leurs articles, malgré les évenements. Et elles ont été jugées, jugées parce qu’elles n’auraient pas respecté les victimes, et l’atroce évenement en faisant ça. J’aurais envie de dire que je ne suis pas d’accord. PAS DU TOUT. Chacun réagit à sa manière face à un drame, chacun a besoin de se reccueillir différemment. Moi j’ai écris un article sur l’évenement, puis j’ai choisi le silence. D’autres, ont décidées de continuer à parler de mode, de continuer à écrire sur la beauté, à tourner des vidéos, car c’était un moyen pour elles d’oublier leur tristesse.  Ne serait-ce qu’un peu. Et qui suis-je pour juger ça? Je ne connais pas personnellement toutes ces filles là, qui ont décidé de poster malgré tout, mais je ne suis personne pour les juger. Et j’estime que c’est leur droit. Ce n’est pas un manque de respect. Et ne serait ce pas ce pour quoi nous nous battons depuis des années, nos droits?

Chacun sa manière d’oublier, de passer à autre chose, du moins quelques cours instants, avant de retourner dans  l’actualité, la peur, l’angoisse, la tristesse, la colère. Ecrire des articles futiles, faire les soldes et être content de ses achats, aller au restaurant avec des amis, se détendre au spa avec l’amoureux, il n’y a aucun mal à ça. J’ai beau avoir passé un weekend en douceur avec mes proches, je n’oublie pas. Je n’oublierais pas.

*Enfin, ultime observation. Suite à des échanges avec quelques amis, je me suis pris pas mal de remarques dans la gueule. Par rapport à cet article, que certains ont trouvé malvenu. Alors oui, le reste du temps, comme on me l’a bien signalé, nous ne manifestons pas plus que ça suite à de tels évenements, comme les évenements en Syrie, lorsque la première tentative d’attentat à Charlie Hebdo a eu lieu, nous n’avons pas manifesté non plus. Lorsque l’un des dessinateurs était sous protection policière pendant 8 ans, la plupart n’en avait « rien à foutre », et non, nous ne lisons pas tous Charlie Hebdo, certains même, ne connaissait pas ce journal avant l’affaire, mais je pense que ce qui compte c’est l’union. Car l’union fait la force. Et ce n’est pas parce que nous ne manifestons pas tous les jours après chaque drame, que ça se passe plus loin, hors frontières, que nous n’y pensons pas, que nous ne nous sentons pas concernés, que nous n’avons pas envie de pleurer, et de nous dire que c’est injuste. C’est juste que là, il s’agit de notre pays, et nous nous sommes sentis, peut être, plus engagés, parce que nous avons choisi de rester vivre en France après la naissance, ou d’y venir pour d’autres, d’y passer notre temps, d’y trouver notre travail, d’y faire nos enfants, et nous ne voulons pas voir nos droits bafoués. Mais nous sommes touchés par les drames de chaque jour, même si nous n’en écrivons pas des articles, même si nous ne modifions pas notre photo de profil avec les images des attentats syriens, même si tout ça ….

PS : merci à vous, merci pour tous ces rassemblements qui prouvent que nous pouvons tous nous entendre, que nous pouvons être unis, merci pour ceux qui n’ont pas fais d’amalgames, merci pour ceux qui comprennent cet article, merci pour ces échanges qui prouvent que nous pouvons nous entendre même lorsque nous sommes pas toujours d’accord. Merci.

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